Il existe dans les œuvres de l’historien Grec Xénophon un petit ouvrage, « L’Economique », décrivant, avec charme et pureté une famille d’Athènes, il y a 2200 ans. Le héros, Ischomaque, rend compte du côté religieux de son existence dans les ternes suivants : Je m’efforce de mériter, par des justes prières, la force la santé, la considération, la bienveillance de mes amis, l’avantage de sortir honorablement des combats. Je demande enfin aux dieux des richesses, fruit d’un honnête travail.
La prière de ce Grec est une manière de comprendre la religion, dont le caractère propre serait de mettre le ciel au service de la terre. S’il existe des dieux influants sur nos destinées, il est raisonnable de faire son possible pour se concilier leurs faveurs, voire de mettre sa personne et ses propriétés sous leur protection. Le culte devient alors un supplément aux voies ordinaires par lesquelles l’homme se procure les biens et les avantages de ce monde. La prière monte vers le ciel avec l’espoir d’en redescendre sous forme d’accroissement de fortune, de réputation et de bien-être.
La piété s’attache aux promesses de la vie présente et s’y arrête. Il ne serait pas difficile de reconnaître autour de nous les signes de pensées religieuses assez semblables à celles d’Ischomaque. Ne nous arrive-t-il pas souvent, dans le secret de nos cœurs, de demander à Dieu beaucoup plus que notre pain quotidien. N’invoquons-nous pas Celui qui est le maître des joies et des douleurs de l’existence plutôt que le Dieu de notre vie éternelle ? Il s’agit-là d’une religion presqu’entièrement matérielle, pour le moins trop humanisée, et qui ne correspond en rien à cette religion « pure et sans tâche devant Dieu » dont parle Jacques dans la Bible,… »qui consiste à se préserver des souillures du monde ». (1) Jacques 1:27
AUTRE ASPECT D’UNE RELIGION TOUT AUSSI VARIE.
Il est un autre aspect de la religion, tout aussi vain, mais plus élevé, plus sérieux. En présence des réalités manifestées par l’expérience, l’homme en arrive à concevoir, a façonner, dans son esprit une sorte d’idéal dépassant ce qui est réel. Tout en admettant que sa pensée est imparfaite, lente et obscure, l’être humain saisit parfaitement la notion d’un concept plus sublime, plus prompt, plus lumineux aussi Ses joies passagères le font penser à quelque chose de plus pur, de plus durable. Les rayons de beauté discernés dans la nature ou dans l’humanité, l’amènent à concevoir l’idée d’une beauté complète, dont les splendeurs terrestres ne seraient que le pâle reflet. En un mot, nous serions capables de comprendre l’infini, l’idéal. A cette faculté merveilleuse répondent des conceptions d’une nature particulière qui portent visiblement la marque de la noblesse et de 1’élévation des sentiments.
Dès qu’il constate ce fait et en accepte les conséquences, l’homme peut arriver saisir que ce qui fait le prix de la vie, ce ne sont ni l’argent ni le bien-être, ni les petites mesquineries et ambitions qui nous travaillent à 1’ordinaire. Ce seraient au contraire, la culture de l’intelligence, de l’art de la poésie, l’effort de l’âme quittant le cercle étroit de la réalité qui, ouvrant ses ailes au souffle de l’idéal, prend son vol vers l’infini. Que voici une théorie à la fois dangereuse et contraire à la vérité évangélique.
DIEU EST PLUS GRAND QUE CELA.
L’Eternel pense-t-on n’est pas seulement le TOUT-PUISSANT, mais la sainteté absolue, l’infini sous tous ses aspects, l’idéale beauté. Dès qu’il est connu, adoré, l’âme montera vers le Père de la vie? Toute pensée élevée, toute noble aspiration du cœur, toute admiration de la beauté deviendra un hymne à Dieu. Mais dans la conception de l’idéal, affirment certains, on peut aussi, et c’est le suprême danger, on peut se passer de Dieu et rester seulement en présence d’abstractions qui ne sont plus les attributs d’un être réel, du Créateur.
Il se trouve donc des esprits qui, au nom même de l’infini et de l’idéal pur, prétendent nous interdire de croire au Dieu vivant, au Dieu réel, au Dieu vrai, celui que nous montrent les Ecritures. Le mot Dieu leur paraît lourd, vieux, dépassé, de conception enfantine.
La réalité de Dieu pose une borne à notre pensée et l’infini, dit-on, ne supporte pas de bornes. Pire, les préceptes de Dieu mettent une barrière autour de notre volonté et l’idéal ne permet aucune barrière.
DEUX TENDANCES OPPOSEES.
Dans les sphères, dites supérieures au »normal » de la vie, se manifestent deux tendances contradictoires dont l’une frise de très près la théosophie, si chère au siècle dernier. Pour l’une, l’homme s’exalte dans le sentiment de sa divinité et s’appuie sur sa propre force. Dans l’autre l’être humain s’humilie devant son Créateur et s’appuie sur l’amour de Dieu, sa volonté et lui obéit.
La première théorie veut que l’esprit humain s’égare, perdant de vue les côtés supérieurs de sa nature. Il reste, ou tombe, dans les préoccupations exclusives des intérêts matériels. Cependant l’homme ne peut pécher contre un Dieu qui n’existe pas, ni violer une loi qui n’a jamais été édictée.
Cette religion propose donc à ses membres l’élévation de la pensée et la noblesse des sentiments comme source des jouissances les plus raffinées. C’est une religion sans Dieu, sans conversion, sans humilité, sans amour. Aussi étrange que cela puisse paraître cette forme de religion existe encore de nos jours. Elle laisse plonger le regard dans la hideuse réalité qu’elle recouvre.
Le sentiment de l’humanité proteste contre les désolantes théories dont se repaissent les multiples sectes déchirant aujourd’hui le christianisme. Nous les passerons sous silence car la tâche de les décrire serait à la fois bar trop hardue et navrante. Après tout il est une distinction à laquelle chacun doit tout naturellement aspirer. La foi sincère ennoblit les actes les plus communs et peut donner aux natures les plus frustes une sorte d’inimitable élévation. Mais cette noblesse réelle alliée à la grandeur, est acquise tout naturellement en vertu de ce que dit Jésus : « Cherches premièrement le royaume et ta justice de Dieu et toutes ces choses vous seront données par-dessus ». (2)
Cherchées pour elles-mêmes, elles se transforment, elles échappent, et, au lieu de la simple grandeur du chrétien il ne reste plus que la distinction superficielle d’un esprit peut être brillant mais vide.
L’HOMME DEVANT LE PERE.
L’égalité des hommes devant Dieu est une certitude absolue que les Ecritures attestent presque chaque page. Pour la vie des diverses sociétés dans le temps, il est des inégalités temporaires aussi. Peut-être sont-elles légitimes parce qu1absolument nécessaires. Mais, sous le regard du Père, et dans le domaine de la piété véritable il n’est entre les hommes d’autres différences que celles qui naissent de cette piété même. Une religion qui serait le monopole de la science et de la haute culture du goût ou d’une certaine théologie, celle qui finit par rejoindre celle des Pharisiens est fausse. Une religion brisant, au lieu de la rétablir, l’unité de l’espèce humaine, ne déclarant pas l’universalité de la communion des vrais chrétiens est fausse ! Une religion ne marchant pas dans la lumière des Ecritures et des Ecritures seules est fausse ! La religion de la distinction, du raffinement, de la finance, de la politique ne peut être celle du Crucifié et encore moins la nôtre. Non, l’humble fils de l’humble Marie oui appelait au repentir les pauvres habitants de Galilée et promettait la vie éternelle aux gens de Génésareth n’a pas fondé une Eglise sur de tels principes. Le Père du Christ n’est pas une abstraction de la pensée, un Dieu manifesté à des castes, à des intelligences habituées aux spéculations de la théologie ou de la philosophie, tandis que l’âme simple n’embrasse qu’une ombre trompeuse et aléatoire.
L’EVANGILE ET L’HOMME.
Le message de l’Evangile est une Bonne Nouvelle celle de la restauration des âmes, de la libération totale de chaque être humain en dehors de toute classe, ou situation sociale, en dehors de tout état financier ou intellectuel. « Il n’y a plus m Juif ni Grec n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car vous êtes tous un en Jésus-Christ. » (3) s’écrie Paul en s’adressant aux Galates.
L’Evangile tout entier tend à la restauration des âmes, de toutes les âmes. Le principe de ce renouvellement n’est pas un acte intellectuel, un sentiment ésotérique ou esthétique mais la conversion du coeur, de la volonté ramenée à celle de Dieu. Là est l’égalité sainte car chacun doit agir exactement de la même manière; croire du fond de son coeur, se repentir, c’est-à-dire, se décider à changer, confesser le fait que Jésus est le Fils de Dieu et le Sauveur, descendre ensuite dans les eaux du baptême en laissant le passé derrière soi et revêtir Christ. « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort afin que comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. » (4)
« Vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; vous tous qui avez été baptisés en Christs vous avez revêtu Christ. » (5)
« Si quelqu’un est en Christ il est une nouvelle créature, Les choses anciennes sont passées voici toutes choses sont devenues nouvelles ». (6)
Pour accepter la grâce rédemptrice, il ne faut ni études spéciales, ni des sentiments exquis, vivre dans une culture raffinée. Il faut simplement sentir son péché, vouloir en être débarrassé, ne plus être séparé de Dieu. Et l’homme de condition la plus humble, l’homme sans lettres voué aux travaux les plus rudes est attendu par le Sauveur. La pauvre femme toujours assujettie à un obscur labeur est aussi grande devant l’Eternel que les esprits les plus brillants, que les têtes les plus couronnées aux yeux des hommes: elle est attendue par le Sauveur.
L’œuvre de la religion de Jésus-Christ est de changer radicalement le principe même de la vie, aussi loup-temps que l’âme ne s’est pas associée librement aux desseins du salut, aussi longtemps que l’égoïsme n’a pas fait place a l’amour total, le plus grand développement de l’esprit et la plus haute culture de l’idéal n’ont aucune valeur spirituelle. Les plus sages des païens avaient entrevu que la soumission à la volonté de Dieu ouvrait la porte de la vie éternelle. Dans la lumière et la vérité de l’Evangile il n’est plus permis d’en douter, même au 21e siècle. Telle est la religion du Fils de Dieu.
Les théories d’Ischomaque ne voyaient dans la piété qu’un élément de prospérité terrestre, et la religion des hommes, confond piété et culture du sentiment esthétique. Tout cela relève du même caractère. La pensée s’arrête aux éléments de la vie présente. Ici, on envisage cette vie sous un jour positif. Là, on la considère sous un point de vue artistique, dans ses manifestations idéales. Mais on ne s’élève vers Dieu, ni dans un cas ni dans l’autre: le but de la culture de l’âme est sur terre. La religion de Jésus-Christ, celle de l’Evangile nous détache du sol de la vie présente pour enraciner notre vie ailleurs: c’est la religion de l’éternité.
Le Sermon sur la Montagne nous démontre bien que la pensée religieuse ne vient pas ici s’ajouter, comme du dehors, à une vie réglée selon des considérations d’un autre ordre. Au contraire le Royaume de Dieu, l’Eglise, apparaît comme le centre et la fin de l’existence entière.
Le Royaume, dit le Seigneur, doit être cherché avant toutes choses, et toutes choses nous seront données par-dessus. Il s’agit bien, selon les dispensations de la Providence, de la santé, de la considération, du succès. Selon d’autres dispensations de grâces plus précieuses encore dans leur amertume: l’épreuve, la maladie, les revers ; Nous savons du veste dit Paul, « que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu »… (7) Tout doit servir à détacher l’âme de l’amour d’elle-même et la mûrir pour la vie éternelle ; car notre but n’est pas sur la terre, notre patrie n’est pas ici-bas. Une âme sincère, ayant éprouvé l’instabilité de tout ce qui l’entoure, arrive facilement à comprendre que l’éternité est la seule fin légitime du temps. Elle comprend dès lors que le véritable christianisme, lien entre le ciel et la terre, préparation de l’immortel avenir de notre vie fugitive, doit être le principe directeur de l’existence entière.
L’Eglise du Christ, faisant son oeuvre dans le monde, est obligée de se servir de certaines choses du monde ; mais il faut que rien ne se serve d’elle. Le danger qu’elle court c’est de tomber dans des formes vaines et de n’être plus qu’un corps privé de son âme, c’est-à-dire un cadavre.
Références:
(1)Jacques 1:27
(2) Matthieu 6:33
(3) Galates 3:28
(5) Galates 3: 26-27
(4) Romains 6:4
(6) 2 Corinthiens 5:17
(7) Romains 8:28